LA PROTECTION PHYSIQUE DES PERSONNES ET LA TAXATION DES CDD
INTRODUCTION
SEF PROTEC, le Syndicat des Entreprises Françaises de la Protection Physique des Personnes, comprend l’importance de la réflexion entamée par le Gouvernement autour d’une possible réforme des contrats de travail à durée déterminée autrement dénommés « contrats courts ». Mais cette compréhension ne va pas sans inquiétudes sur l’impact que cette mesure – certes nécessaire pour certains secteurs pour lesquels les contrats courts sont simplement une facilité de gestion du personnel – pourrait avoir sur le secteur de la Protection Physique.
Comme d’autres secteurs économiques mais de façon encore plus prégnante, les entreprises de notre secteur, soumises en permanence à des pics d’activité et à l’impossibilité de prévoir leur volume d’activité, ne peuvent être efficaces et pérennes sans le recours à la mise en oeuvre de contrats courts et parfois même très courts (une journée). Dans ce cadre, il est évident qu’une taxation de ces contrats qui représentent près des ¾ des contrats du secteur aurait une influence fortement négative sur l’équilibre économique, déjà difficile à maintenir, installé par les entreprises engagées dans la protection physique de nos concitoyens.
La logique de « bonus-malus », si elle était appliquée à notre secteur, verrait l’ensemble de nos entreprises soumises au malus et ce sans aucun espoir, même avec la plus grande volonté du monde, de pouvoir jamais être à l’équilibre et encore moins bénéficier d’un bonus. Notre secteur n’en est pas moins vertueux, simplement son activité et son organisation liées à l’actualité sécuritaire, ne lui permettront jamais de pouvoir prétendre à employer une majorité de CDI.
L’ACTIVITE DE PROTECTION PHYSIQUE
Flexibilité et réactivité sont les maîtres mots de l’activité des entreprises de la Protection Physique. Cette activité est liée plus encore que de nombreuses autres, comme la restauration ou l’événementiel, à des pics d’activités. Qui plus est, ces pics sont dans la majeure partie des cas totalement imprévisibles. Prenons un exemple dans l’actualité, à l’issue de la première manifestation des « gilets jaunes », les entreprises et surtout les médias ont voulu protéger leurs personnels et ont fait appel massivement aux entreprises de la Protection Physique des Personnes. Toutes ont donc dû faire face à une forte hausse de la demande d’agents pour une seule journée, celle du samedi suivant. Certaines d’entre elles ont même vu leurs effectifs être multipliés par 10. Le lendemain, le dimanche, la menace avait disparu, le besoin de protection avec elle, et les entreprises de protection n’avait plus de clients pour les agents employés la veille.
Dans ces conditions, il est évidemment impossible d’imaginer qu’une société puisse continuer à employer des personnels pour lesquels elle n’a plus de marché. Si une entreprise essayait de le faire, ne serait-ce qu’avec 10% des effectifs employés lors de ce type de pic d’activité, elle serait amenée à déposer son bilan à la fin du mois suivant pour défaut de paiement.
Un autre point est à souligner, la précarité des contrats passés entre les entreprises de Protection Physique et leurs clients car autant ne peut-on prédire le début d’un besoin de protection, autant ne peut-on prédire la fin de la menace et donc la fin du contrat liant les deux parties.
Il existe bien dans le secteur de la Protection Physique des marchés pérennes dont la possibilité de dénonciation obéit à des règles strictes permettant aux entreprises engagées dans ces marchés d’avoir le temps de trouver un nouveau marché de remplacement pour conserver leurs personnels en CDI, mais ils sont extrêmement rares.
On le voit de façon claire en observant les chiffres de l’emploi du secteur où seuls 20,5 % des emplois sont en CDI, ces emplois concernant de plus le middle management des entreprises et leurs services administratifs. A ce propos, il est à noter qu’aucune entreprise établie de la Protection Physique ne fait appel à des personnels en contrats courts pour assurer son fonctionnement tant administratif que commercial.
Il va de soi que les entreprises du secteur, représentées par SEF PROTEC, préféreraient, en particulier pour des raisons de confort de gestion et de visibilité économique, employer une large majorité de CDI. Malheureusement, leur activité de part sa nature et notamment ses pics d’activité incontournables, le leur interdisent.
QUELLES POURRAIENT-ETRE LES CONSEQUENCES DE LA TAXATION DES CONTRATS COURTS POUR LA PROTECTION PHYSIQUE DES PERSONNES ?
SEF PROTEC a retenu 3 conséquences majeures à une taxation des contrats courts
1) Une raréfaction des marchés
Soumises à la taxation, les entreprises du secteur seraient obligées d’augmenter leurs prix. Or, la sécurité est souvent un poste soumis à des contraintes de coûts. Nombre d’entreprises en France, contrairement à d’autres pays, n’ont pas encore intégré l’importance de la sécurité et surtout d’une sécurité de qualité pour le maintien et le développement de leurs activités. En cas de hausse des prix, on peut craindre à juste titre un rétrécissement des marchés avec les conséquences que l’on imagine : la disparition d’entreprises de Protection Physique, la disparition d’emplois, et surtout des entreprises et des personnes moins bien protégées donc en danger.
2) Une baisse de la qualité délivrée par les Entreprises
Face au surcoût amené par la taxation, certaines entreprises pour maintenir leurs niveaux de prix pourraient être amenées à rogner sur des postes impactant leur budget. La formation, en particulier continue, pourtant indispensable dans notre secteur serait sans doute la première en pâtir mais elle ne serait pas la seule. L’équipement des agents, pourtant lui aussi indispensable, pourrait être réduit. Surtout, le niveau de recrutement pourrait être revu à baisse, les entreprises étant obligée pour garantir leurs prix, d’employer des agents inexpérimentés, voire mal formés. Il faut noter à ce propos que l’attribution ces dernières années et en nombre – en particulier par équivalence – de la carte professionnelle obligatoire pour exercer le métier d’Agent de Protection Physique, à des personnes non qualifiées permettrait tout à fait cela. Un nouvelle fois, la conséquence de cela serait la baisse de la qualité de la protection et donc l’augmentation des risques encourus par les clients.
3) Un émiettement du secteur
Le coût des salaires représentant l’essentiel des charges des entreprises de la Protection Physique, une surcharge des coûts salariaux pourrait amener les sociétés à réduire leurs embauches. Les agents inemployés pourraient alors être tenté par d’autres formes d’emploi, travailleurs indépendants, micro entreprises pour pouvoir travailler sur facture. On assisterait alors à la naissance d’une myriade d’entreprises unipersonnelles qui pour survivre seraient amenées à baisser leurs prix de revient, travaillant parfois à perte, avec pour conséquence inéluctable leur disparition à terme. Hormis la fragilisation des entreprises majeures du secteur obligées de réduire leurs marges pour survivre et la baisse de qualité des services offerts, cet état de fait aurait aussi pour conséquence de faire augmenter très fortement le chômage dans notre secteur.
QUELLES SOLUTIONS ?
Bien sûr, pour notre secteur, la meilleure des solutions serait que la spécificité de son activité soit reconnue et qu’il soit sorti du champ d’application du bonus/malus. Mais au-delà de cette première idée, et conscient de l’importance d’organiser de meilleure façon l’existence indispensable des contrats courts, SEF PROTEC a réfléchi à d’autres possibilités.
1) Un système d’intérim
L’idée peut être séduisante mais elle est inapplicable à la Protection Physique des Personnes car le recours à l’intérim est interdit par la loi aux sociétés de sécurité privée en raison du principe de non cumul d’activité rendu obligatoire par la loi (article L612-2 du Code de la sécurité intérieure).
2) Une solution d’emplois partagés
Préconisée en particulier par l’hôtellerie-restauration, cette solution est inenvisageable pour le secteur de la Protection Physique car il se trouve que les pics d’activités qui concerne son activité se produisent à un même instant T et concernent à cet instant T l’ensemble des Entreprises du secteur (cf « gilets-jaunes », festivals internationaux, grands événements en particulier sportifs).
3) La possibilité de bénéficier des CDD dits d’usage
C’est la solution que retient et préconise SEF PROTEC.
Le Code du Travail précise en son article L1242-2 3° que le recours au CDD d’usage est autorisé pour « les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».
Or, comme nous l’avons montré plus haut, l’activité de Protection Physique des Personnes, correspond en tous points à cette définition tant par sa nature spécifique que parce que cette activité est par nature temporaire.
SEF PROTEC demande donc l’inscription de l’activité de Protection Physique des Personnes dans l’article D1242-1 du code du travail, aux côtés en particulier de l’hôtellerie-restauration, des exploitations forestières ou encore de l’audiovisuel, du sport professionnel et même de la réparation navale.
Cette intégration de la Protection Physique à cet article est pour SEF PROTEC et les entreprises qu’il représente la seule solution viable pour sécuriser et pérenniser les activités de protection physique.
Elle est d’autant plus intéressante pour la moralisation de l’usage des CDD qu’elle n’autorise pas les entreprises à utiliser les contrats courts pour les postes permanents et quelle peut être associée à des CDI de chantier. Ces contrats ont en effet un avantage indéniable pour notre profession, celui de prendre en compte lors de la signature de contrats commerciaux l’impossibilité de déterminer une réelle date de fin.
L’association de ces deux solutions est pour SEF PROTEC, la seule qui puisse permettre aux entreprises du secteur de poursuivre leur croissance, de créer de l’emploi et de proposer à nos concitoyens et aux entreprises un service de qualité nécessaire à l’exercice en toute tranquillité de leurs activités en leur assurant une réelle protection.
EN CONCLUSION
SEF PROTEC et les Entreprises de la Protection Physique des Personnes qu’il représente, après de longues réflexions et comprenant l’intérêt des projets du Gouvernement, et au vu des spécificités de leur activité en particulier des temps de mission courts et des pics d’activité qu’elle connaît, demande à ce que leur activité soit intégrée à l‘article D1242-1 du Code du travail afin que le recours à l’utilisation de CDD d’usage défini par l’article L1242-2 3° du même Code, leur soit autorisé.